Echange de mot
Echange de mots...
J'avais 4 ans peut être, et j'aimais à attendre le passage du facteur...
Ah le facteur, qui amène des nouvelles d'ailleurs, des cartes postales aux paysages inconnus, des lettres à devinés l'écriture de l'adresse, qui renseingne sur l'expéditeur, cet autre qui a pensé à nous; et si l'on ne reconnait pas d'emblée le graphisme, il reste le cachet qui oblitère le timbre et nous éclaire sur la provenance du courrier. Puis déchirer l'enveloppe, en sortir doucement le papier, le déplier, et voir s'y étaler les mots d'encre bleue marine trempés de petits bonheur ou de souffrance déliée...
J'avais 4 ans, je me précipitais à la boite, sitot le facteur passé, mon bohneur en proportion de la quantité de courrier déposé, que je remontais fièrement à maman; elle regardait, triait les factures des pospectus divers, et quelque fois en retirait une lettre; je ne savais pas lire, mais à son regard, je savais qu'elle venait de sa soeur, ma marraine, qui, ainsi, donnait des nouvelles des cousines et cousins, et de cet autre contrée. Maman lisait quelques passage à voix haute, les mots étaient simples, marqués d'un trait d'humour, et sans toujours en comprendre vraiment le sens, ces courriers là avait un petit air magique de temps pur...
C'est à cette époque, que dans le sous sol de la maison, je découvris une boite dans une vieille et grande armoire recelant à mon regard d'enfant des trésors: les vieux chapeaux de feutrine de mon grand père, les jupons de dentelles de ma grand mère, des déguisment de rois, de princesses et de bohémiennes, de vieux cahiers d'écolier, des livres de la collection or et de la bibliothèque rose et verte, et un vieux coffret, dont déjà les tubes de peintures rouge vermillon, bleu de prusse, jaune cadium, terre de sienne, noir d'ivoire, blanc de titane, à coté desquels un flacon au contenu liquide couleur d'ambre, d'hule de lin, émerveillait mon regard...Je ne savais pas encore déchiffrer, ni les titres des livres, ni les noms enchanteurs des couleurs tubes, pourtant les livres comme la peinture n'en finirait pas d'accompagner ma vie...
Mais c'est cette boite fermée qui m'intriguait, posée sur une étagère plus haute, inacessible à ma petite taille, donc plus mystérieuse et plus tentante, et dont je n'avais de cesse de découvrir le contenu et le secret...Montée sur une vieille chaise de bois à la peinture verte écaillée, je parvins un jour d'été à la faire glisser jusqu'à moi; elle finit par tomber et ses secrets enfermés s'étalèrent sur le sol: des paquets d'enveloppes jaunies, enrubannées, des lettres manuscrites à la plume d'encre bleue nuit, des cartes postales découvrant des coeurs en eliefs de fils dorés, tissés... Bien sur, ne sachant lire, ces lettres n'évoquaient pas grand chose pour moi d'autres que l'imaginaire que je n'allais pas tarder à leur donner.Je regardai, un long moment, ce trésor de secrets dévoilés...
Je les rassemblai dans une besace de vieux cuir craquelé qui trainait là au milieu des outils de jardinage.
Ma découverte en bandouillière, je fis ainsi le tour du quartier, déposant dans les boites aux lettres du voisinage les enveloppes, les cartes, les feuilles de papier à la pliure marquée, et au delà de jouer au facteur, j'avais le sentiments de distribuer à mon tour des conféttis de bonheur multicolore de maison blanche en maison blanche...
Je ne sais pas si je compris vraiment le mélange d'amusement et de tristesse de mes parents quand ils s'aperçurent que j'avais distribué aux environs leurs mots doux et leur lettre d'amour d'antan! Ils n'osèrent jamais les récupérer!!!
J'ai, moi aussi, aujourd'hui, dans cette même armoire rénovée, patinée et lustrée, tronant dans le séjour de ma maison d'aujourd'hui, une grosse boite contenant plus de mille lettres, témoignage d'une correspondance entretenue avec mon ami d'adolescence. Echange de mots, de nos tranches de vies, classées, ficelées par année, précieuses comme des gouttes de temps s'écoulant au fil des ans..