Gauguin a donc été fêté au Grand Palais en 2003 et pour rien au monde je ne serais passé à côté de cette expo superbe qui m'a permis de rêver et de revoir ces pièces magistrales, dont on devine les effluves.
Poésie, douceur et miel des peaux...sensualité et beauté...Il aura fallu que Paul Gauguin aille au bout du monde pour se trouver, pour se délivrer des influences parasites.
Il avait fui aux antipodes et y avait enfin réalisé son oeuvre, profondément original. L'exposition du Grand Palais présente en un bel ensemble cet accomplissement unique...
Et si L'homme fut considéré par beaucoup de douteux et de peu fréquentable, peu m'importe, car le peintre, en revanche, est enchanteur. Il a tout, le bougre : la fougue, la passion, la sensibilité, l'invention
Une peinture colorée et attrayante, empreinte d'exotisme, de spiritualité et de sensualité....
L'exposition présente les oeuvres réalisées par Gauguin lors de ses voyages à Tahiti et aux Marquises. Cette exposition fut une occasion unique de découvrir certains de ses chefs-d'oeuvre conservés dans des musées hors de France. Cette présentation ne s'est pas limité aux peintures. Sculptures, gravures, lettres ,le tout ponctué de photographies d'époque présentant la vie dans les îles polynésiennes.
un vrai plaisir, un grand bonheur; lumières, couleur...un merveilleux moment! Magique!
D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?
Nombre ont été les visiteurs contournaient la toile pour voir si elle n' était éclairée par son arrière, tant le totem bleu semblait illuminé la toile; il n'en était bien sûr rien, si ce n'est la lumière incroyable de ce bleu...
C'est l'esprit libre du "pornographe du phonographe"qui plane sur cet hommage à Georges Brassens dans ce magnifique endroit qu'est le château de Malbrouck.
Photos, documents autographes, objets ayant appartenu au Sétois, seul manque à cette exposition Georges Brassens lui-même mais son esprit y est présent à chaque instant pendant cette belle et émouvante ballade de salle en salle à l'issue de laquelle on est juste un peu triste de quitter l'ami Georges.
Brassens à Bobino
http://www.ina.fr/video/CPF86660346
Quelques phrases du revendicatif , subversif , poète et humble Georges
"L'idéal serait de n'être né nulle part, parce que, finalement, les gens sont à peu près partout pareil"
"Pour moi l'anarchie c'est une certaine fraternité, une certaine volonté de noblesse"
"Ce qui est important chez un être, chez un autre soi-même, c'est la différence"
"Comment je souhaite finir? Un jour fixé, sans réticence, s'il me reste encore un peu de dignité, je veux m'en aller sur la pointe des pieds, sans le moindre tapage, comme je suis venu"
Une excellente et riche exposition sur cette retrospoective du peintre américain Edward Hopper présentant 164 oeuvres dont 128 d’Edward Hopper au grand palais jusqu'au 28 janvier 2013.
Par son sens du cadrage et son goût pour les lumières crues, Edward Hopper a inspiré de nombreux réalisateurs de cinéma. Son oeuvre fait désormais partie de la culture populaire même si le nom de l'artiste et sa francophilie restent souvent ignorés du grand public.
L'exposition commence par la projection d’un film muet en noir et blanc datant de 1921 sur grand écran : « Manhatta de Charles Cheeler et Paul Strand » (un peintre et un photographe). Il faut prendre le temps de le regarder. C’est l’ambiance sombre de Manhattan en 1921, quelque chose de pathétique, la pauvreté côtoyant le richesse… Le noir et blanc et les vues plongeantes rappellent les gravures de Hopper. Hopper passionné de photo et de cinéma. On pourra voir ici également des photos d’Atget, entre autres.
Puis sont présentées une série d'illustrations, dessins de couvertures de magazines et de livres qui le firent vivre durant quelques années avant plusieurs voyages en France entre 1906 et 1910 l qui e rapprochèrent sans doute de l’impressionnisme.
De1915-1928, Edward Hopper se consacre à la gravure très influencé par ses voyages parisiens et utilisant les papiers les plus blancs et les encres les plus noires, le contraste était donc déjà bien là. Et il devint le Hopper qu’on connait. Je ne sais pas s’il y a vraiment un rapport de cause à effet comme le disent certains, toujours est-il que c’est à ce moment là qu’il trouve le « style Hopper », assez obsédé par l’architecture et comment elle prend place dans le monde, au détriment des gens, qui ont moins d’importance ...
un sens de la perspective assez rare !
Sur le plan technique, Hopper a démarré avec un mélange d’impressionnisme (dû sans doute à ses séjours en France) et de figuratif plus américain avant d’arriver à une technique faite de grands aplats et de couleurs pures et crues, pour laquelle il est connu, avec une géométrie omniprésente.
Edward Hopper a surtout peint la solitude mais surtout l'attente... L'attente une thématique qui revient avec une extraordianire fréquence dans l'oeuvre de Hopper... l'attente, un arrêt des activités quotidinnes , un temps donné à soi même , à l'imagination, à la reflexion.L'attente l'espérance d'une venue...
Edward Hopper présentait une personnalité solitaire, peu bavard, quelque peu austère mais aussi un regard ironique et lucide sur ses contemporains
Sa femme le décrit comme quelqu’un de dépressif, perpétuellement mélancolique et muré dans son silence… On ne peut pas dire qu’ils s’entendent bien, ils passent leur temps à s’entredéchirer. Mais ils restent ensemble. Elle est son sujet de prédilection, comme Monet avec ses nymphéas… Elle exige d’ailleurs qu’il ne peigne pas d’autre femme qu’elle ..
Dans cette toile, « Room in New York »., c'est toute la solitude du couple , la solitude à deux , le silence dans le couple qui est peinte... l’homme lit son journal, la femme lui tourne le dos jouant du piano avec un doigt, faute de mieux. On pourrait presque entendre les notes, égrenées de façon sinistre.
Les visages , dans les toiles d'Hopper, sont à peine ébauchés, ils n’ont pas d’importance, ça pourrait être n’importe qui.
Edward Hopper dit ceci: "Une intuition qu'un sujet constitue le meilleur pretexte à l'expression la plus complète de mon experience intérieure. Une grande partie de l'expression artisitique relève de l'inconscient, l'activité consciente n'est que secondaire"
Oh combien je suis en accord avec cette phrase...
Je finirai par cette toile qui m'a particulièrement touchée sans aucun autre commentaire que la regarder et se projeter dans l'image
La conclusion de cette remarquable exposition et qu’il faut absolument y aller !
Il y a en effet ici des toiles de Hopper provenant du monde entier, de musées et même de collections particulières qu’on n’aura plus guère l’occasion de revoir toutes réunies.
Quelques photos souvenirs...
Le titre, « Van Gogh, rêve de Japon » s’explique par le fait que n’étant jamais allé au Japon, Van Gogh ne pouvait que le rêver, et le midi de la France lui offrait un Japon plus abordable. Il pensait d’ailleurs que le midi ressemblait beaucoup au Japon
Celà faisait des décennies qu'une exposition uniquement consacrée à Van gogh n'avait eu lieu à Paris. Une quarantaine de toiles, principalement paysagistes de l'artiste hollandais , permet une autre approche de son oeuvre et de l’importance du japonisme dans l’art impressionniste. En effet tout au long de cette exposition, l'inspiration japonnaise de Van Gogh y est est mise évidence, en présentant un parallèle tout à fait interessant entre le peintre japonnais Hiroshige et la peinture de Van Gogh. Ainsi on peut se rendre compte que cette référence au japonisme n'est pas seulement réduite à quelques oeuvres phares du peintre mais à la majorité de ses paysages à partir de 1887, construites autour d'un système référentiel au centre duquel se trouve, largement l’œuvre de Hiroshige.
Tout a été dit sur la fragilité psychologique de Van Gogh, sur ses troubles bipolaires, sa schizophrénie et sur ses crises de délire accompagnées d’hallucinations, ainsi que sur leurs conséquences directes sur son œuvre et sa manière de voir le monde. Mais il est légitime de se demander si l’analyse de ses troubles graves, mise en relation avec l’analyse de ses œuvres n’a pas finalement fait oublier l’essentiel.
Hors le parallèlisme de cette exposition permet de constater avant tout que ses références vont se tourner vers un art qui est le contraire de celui qu’il a produit : celui de Hiroshige. Un art dont toute la philosophie repose sur la solidité, la composition, la sérénité, le voyage et la paix intérieure...
Dans cet exemple on peut évidemment dire qu'un arbre est un arbre, mais pour Van Gogh la nature bouge, danse dans un mouvement permetuel et il ne représnetait jamais de paysage statique, on le voit avec évidence dans le tableau "Oliveraie"; hors Hiroshige lui aussi faisait "danser" les arbres"
Dans le comparatif de ces deux toiles, on retrouve une composition identique , une même vue de perspetive, un horizon quasiment semblable qui ne laisse pas de doute quant à l'inspiration japonnaise de Van Gogh
Il y a bien sûr beaucoup d'autres expemple, tant dans la compostion des toiles même que dans l'exploitation des ambiances.
Quelques autres toiles qui m'ont particulièrement émues lors cette très belle exposition
« Jardin de l’asile de Saint-Rémy », magnifique. Mais ce dont on ne peut se rendre compte sur la photo, c’est à la fois de l’épaisseur et de la variété des couleurs dans les arbres. Picasso disait : On travaille avec peu de couleurs, ce qui donne l’illusion de leur nombre, c’est qu’elles ont été mises à leur juste place.
Effectivement, pour réaliser ce tableau, et tous les autres, un bleu de prusse (que van Gogh aimait beaucoup), un jaune japonais clair, un ocre rouge, un ocre jaune et bien sûr du blanc, ont probablement été suffisants.
l faut signaler qu’aucune photo ne peut rendre à l’heure actuelle la beauté d’un Van-Gogh qui est en fait en trois dimensions. Il y a en effet des épaisseurs de la peinture, qu’on appelle « empâtements » qui sont le plus souvent vernis et ressemblent à des pierres précieuses de toutes les couleurs qui se marient magiquement toutes parfaitement ensemble… Van-Gogh va au-delà de la nature, il la rend presque plus belle par sa technique et sa sensibilité.
On voit dans la toile ci-dessous , Pins au coucher du soleil, un évident « style japonais »
Le 18 novembre 2009, après une petite promenade le long des quais de la Seine, je suis allée découvrir avec un immense plaisir l'exposition Renoir au Grand Palais. J'ai toujours beaucoup aimé la peinture de Renoir, l'atmosphère tendre et joyeuse qui s'en dégage. Je me souviens encore avec émotion de ma première visite au Musée d'Orsay, où, découvrant l'original des toiles de Renoir, j'eus cette sensation d'entrer totalement dans l'univers peint, de voyager intemporellement, ressentant la chaleur que Renoir a su si bien exprimer pars ses petites tâches de lumière et d'ombre qui donne à son travail une ambiance si particulièrement douce. Renoir est pour moi le peintre qui a su, avec tant de délicatesse dépeindre la beauté éternelle des femmes et de la nature. Alors comment cette exposition aurait pu ne pas me toucher ?
L'exposition du Grand Palais est consacrée à la période allant de 1890 à 1919, un tournant de son œuvre, après sa grande aventure impressionniste, une remise en question de son travail, où il s'engage alors dans une période ingresque avec une touche plus lisse où il concile lignes et couleurs.
Je découvre donc, dans les premières salles, une série de tableaux débutant par les deux immenses toiles « Danse à la ville » et « Danse à la campagne, que j'avais déjà tant admirées au Musée d'Orsay et ce parallélisme entre la vie bourgeoise et la vie rurale. Puis une séries de toiles de jeunes filles plus délicates les une que les autres : « jeune fille regardant un album », « Jeune fille lisant », « Jeune fille au piano »… ce dernier tableau fut le premier achat d'une toile de Renoir par l' Etat pour le Musée du Luxembourg ; il peignit cette même toile à plusieurs reprises dans un soucis de perfectionnisme et pour remettre celle qu'il considérerait la meilleure à l'Etat, mais sitôt qu'il eut décidé d'en remettre une plutôt qu'une autre, il se dit qu'il avait remis la moins bonne de toutes, car contrairement à l'ensemble de son œuvre, au paisible et au naturel de ses toiles, Renoir était un personnage inquiet et parfois agité.
La salle suivante est consacrée aux baigneuses « Baigneuses au cheveux longs », Baigneuse brune », La source, « Baigneuse assise dans un paysage », de 1895 et donc Picasso s'inspira en 1921 avec son « nu assis s'essuyant les pied et la « grande baigneuse » dont le parallèle est ainsi montré à nos yeux de spectateurs, en témoignage de l'influence et de l'admiration que Picasso vouait à l'œuvre le Renoir ; Renoir sacrifie déjà à la justesse anatomique au profit de courbes souples ; c'est cette libre invention d'un nouveau corps féminin qui marque Picasso ; Influence retrouvée un peu plus loin dans l'exposition devant ce portrait d'un « Pierrot Blanc » de Renoir et « L'arlequin au miroir » de Picasso. Pierrot et Arlequin, étant là dans ces toiles les doubles mélancoliques des deux artistes.
Une autre salle est consacrée aux photographies des différents ateliers, des maisons, des amis et de la famille de l'artiste, notamment de la maison des Collettes où Renoir s'éteindra en 1919. A partir de 1850, Renoir peint essentiellement en atelier, il n'a pas de modèle professionnel, préférant prendre ses modèles parmi ses proches, enfants, amis, voisins, bonnes et nourrices.
On découvre aussi dans une salle cette toile de 1906 « La Frivolité » qui est un parallèle avec « La Dentelière » de Vermeer, peintre que Renoir considérait comme le plus grand peintre du monde.
Puis une salle de portraits aristocratiques, portraits de commande ou d'amis du monde parisien de l'artiste ; Une autre salle est consacrée aux dernières œuvres de la vie de Renoir, alors que l'artiste était déjà très malade souffrant de crises de polyarthrites et de rhumatismes, l'obligeant à séjourner dans le midi de la France. Il y peint alors une série de paysages aux reflets aussi colorés que la lumière elle-même. On y admire aussi des danseuses « aux castagnettes » « au tambourin », des marchands de poissons ou des marchands d'oranges, de jeunes pages, et des bergers. Puis quelques sanguines admirables, d'autres toiles de baigneuses, de lavandières, des femmes, ces femmes que Renoir s'est appliqué à peindre et à magnifier toute sa vie durant.
L'exposition se finit sur cette toile immense, le chef d'œuvre de la Renoir, ses « Baigneuses » de 1919, l'année de sa mort. On y retrouve l'influence des grands peintres, les ruptures de perspectives de Veronez, trichant ainsi sur les points de fuites, les mélanges d'éléments intérieurs et extérieurs de Courber. Cette toile, qui respire la joie de vivre est le testament pictural de Renoir. Pour réaliser cette toile de très grand format, malgré son handicap, Renoir avait imaginé un chevalet réglable et la des cylindres sur lesquels la toile était montée, permettant au peintre d'atteindre toutes les parties de la toile.
Malgré la souffrance physique, jamais aucune de ses toiles ne transmettra autre chose que la joie, et cette joie accompagne le visiteur tout au long de cette exposition peuplée de baigneuses, de lavandières, de bergers, de sources dans une célébration idéalisée de la Nature.
Je retiendrai, pour finir cette phrase de Renoir, à méditer, sur sa persévérance : « Je ne crois pas, sauf rares cas de force majeure, être resté un seul jour sans peindre »
Mélancolie
Génie et folie en Occident
Une exposition fascinante et passionnante sur le thème de la mélancolie et sa traversée de l'antiquité à nos jours au travers de l'art pictural avant tout mais aussi de salle en salle ponctué de textes allant d'Aristote à Houellebecq en passant par Freud, Diderot, Sartre, de Nerval et bien d'autres encore…
C'est avec une joie non retenue que je me suis rendue à cette exposition au Grand Palais et si je ne peux la relater en détail, je voudrais du moins en inscrire le principal ainsi que les émotions qui m' ont parcouru de salle en salle devant ces tableaux, ces objets et ces textes où se côtoient douceur et violence, prostration et fureur, rêverie et désespoir…On ne garde pas tout de ce qu'on regarde…on prend, on ressent, on touche des yeux et on est touché en retour..
Touchée, je le fus dès les premiers instant face à cette stèle funéraire du 4ième siècle av JC…le personnage, taillé dans la pierre, la tête appuyée sur une main, le regard perdu vers l'océan montre déjà l'attitude qui deviendra caractéristique de la représentation mélancolique. Juste en face, une amphore de 540 av JC, représente Ajax se préparant au suicide. Et ces mots d'Aristote, en commentaire:
« Pour quelle raison tous ceux qui ont été des hommes d'exception, en ce qui regarde la philosophie, la poésie ou les arts, sont ils manifestement mélancoliques, et certains au point même d'être saisis par des maux dont la bile noire est d'origine »
La salle suivante plonge dans le moyen âge durant lequel le tempérament mélancolique est directement associé, sous le nom d'Acadie aux pêchés capitaux côtoyant les vices, envie, orgueil, colère, avarice et gourmandise et assimilé à une possession démoniaque… L'Acadie est alors synonyme d'oisiveté, nonchalence, mollesse, inoccupation, flânerie, ennuie, paresse du cœur. Dans cette salle des gravure de Saint Jean Baptiste dans le Désert, de Saint Antoine, tourmenté par les démon, « la mélancholia » de Dürer, et paradoxalement à l'époque représentée dans cette salle, un immense tableau de Max Ernst « l'ange du foyer » montrant un animal coloré et monstrueux, détruisant tout sur son passage, en corrélation avec la bête immonde de Brecht et dont les contours de l'animal représentent la croix gammée…Des monstres directement lié à l'environnement politique et sortis droit de la tête de l'artiste, on y lit malgré la vivacité des couleurs cette autre mélancolie créatrice…trait d'union aussi de la salle qui va suivre, à l'heure de la renaissance italienne et du néo platonisme, la mélancolie prend un autre visage « Mélancholia générosa » , la mélancolie noble, avec pour la première fois de l'histoire, un concept positif de la mélancolie, comme un stimulus du génie de la création… parallèlement, à cette même époque, trois gravures de Charles Lebrun, représentant l'homme en ours, pour sa force destructrice, en renard, pour son caractère fuyant, et en loup pour son aspect maléfique nous parle de la folie Louvière ; La lycanthropie est alors la forme de la mélancolie d'un être sauvage, homme loup ou loup garou, ombrageux, solitaire et fuyant le soleil… Il y a donc à cette époque de la renaissance, deux mélancolies distinctes, l'une créatrice et réservée à une élite, l'autre maléfique et possédant des êtres dont beaucoup finiront sur le bûcher.
« Le faucheur » de Pablo Picasso, sculpture où le Dieu du temps et la faucille mesure la durée de la vie, est un trait d'union, oh combien judicieux qui amène vers une salle transitoire semé d'objets, dont ce globe céleste en cuivre doré de 1502, qui ne pouvait ne pas m'émouvoir (mon amour des boules et des bulles n'y résista pas !), des instruments de mesure de l'espace (équerres, compas, sphères) de mesure du temps( sabliers, cadrans solaire, horloges), des chauves souris naturalisée, des aquarelles botaniques d'Ancolie (fleur médicinale de la mélancolie), une corne de licorne (défense de narval au pouvoir magique sur la mélancolie, des planches d'ostéologie représentant des squelettes en pose mélancolique, autant d'objet qui se retrouveront au fil des siècles sur les toiles comme autant de symbole entourant l'état de mélancolie.
La salle suivante est consacrée à la mélancolie et la musique, avec divers tableaux du roi David chassant de sa harpe la mélancolie de Saül décrit dans la Bible comme un possédé…la musique est bien entendu diffusée dans cette salle.
C'est là que se finit la première partie de l'exposition sur un tableau que je reproduis partiellement et sur des textes descriptif de différentes visions de la mélancolie au fil des siècles et dont je ne citerai que cette phrase qui m'a profondément touchée.
« Il y a des instants qui ne devraient passer. Ce qu'on atteint ne devrait jamais finir. Que cela passe pourtant et ne soit que l'expérience d'un instant, là se trouve la véritable mélancolie »
Ratzinger « la mort et l'au-delà »
Humeur Tempérament Vent Eléments Age Planète Moment
sang sanguin zéphir Air jeunesse jupiter aurore
bille jaune colérique eurus feu maturité mars matinée
bile noire mélancolie borée terre vieillesse saturne crépuscule
flegme flegmatique auster eau décrepitude venus soirée
Si cette première partie d'exposition m'a enthousiasmée de par ce qu'elle me faisait découvrir, la seconde partie allait m'émouvoir comme seule la peinture peut y parvenir : ne plus penser à rien qu'au halo de lumière en contre-jour découpé, se plonger toute entière dans la peinture offerte au regard, et s'offrir cette absence…les voix des visiteurs aux alentours s'assourdissent, les silhouettes qui bougent deviennent plus sombres autour de soi, tout n'est plus que pure abstraction…s'éloigner de soi pour y croire, s'effacer pour pénétrer dans espace de la peinture..La musique des couleurs a cette sérénité particulière…
La Madeleine à la veilleuse de Georges de la tour fait d'emblée fondre mon cœur, ce tableau que j'ai eu l'occasion dans ma ville de voir si souvent sur des gravures, posters, affiches, cartes postales est là devant mes yeux, et la dimension est tout autre, face à ce clair obscur ou la prostituée repentie semble comme caresser ce crâne dans une méditation de la mort et de l'éphémère de la beauté…
L'exposition prend alors un tournant face à son thème derrière ce titre « La mort de Dieu et le romantisme. Avec la « mort de Dieu » proclamée par Nietzsche, c'est la fin de la longue histoire d'un monde garantie par la foie, la solitude le l'homme est scellée et le spleen devient l'attitude moderne de la mélancolie.
Avec cette première toile, s'étendant dans mon âme plus que sous mes yeux, cette toile attendue de Caspar David Friedrich « le moine au bord de la mer » dans laquelle je me perds , instantanément, me laisse absorbée, littéralement, engloutie , esseulée à la lisière des flots de la grande toile et de ceux que je retiens de mes yeux devant ce ciel « trop grand » à l'obscurité descendant sur l'océan comme une lourdeur, et ce moine (sans doute représentatif de Friedrich, son frère s'étant noyé alors qu'il essayait de sauver Caspar lui-même de la noyade, ce qui laissa une trace indélébile de souffrance dans son cœur) si petit devant l'immensité de l'horizon. Juste à coté, une autre toile de Friedrich, « le lever de lune sur la mer » et « les ruines de l'église dans la forêt » avec ce dégradés de noirs subtiles et envoûtant. Friedrich disait que le peintre devait peindre ce qu'il voit en lui-même…je suis restée longtemps devant ces trois toiles, tellement proche de mes propres sentiments, quelque part entre solitude et liberté.
Plus loin une toute petite aquarelle m'ébranla tout autant que les grandes toiles, « la grande ombre » de Wilhelm Tischben, représentant un jeune homme accoudé à une cheminée, le feu derrière lui renvoie son ombre qui se reflète du sol au mur d'en face, se prolongeant sur l'étendu du plafond…cette ombre immense sur une si petite aquarelle, ombre immensément mélancolique d'un petit homme de rien.
Et puis se retrouver devant les toiles de Hopper, à la lumière si particulière, « cinéma à New York », « la femme à la fenêtre », ces quotidiens qui nous ressemble, et cette lourdeur d'existence parfois, qu'Hopper sait si divinement contraster par ce couleurs étincelante, ces clairs obscur si particuliers… encore, là, une émotion vive…
La salle suivante montre des portrait photographique de patients d'asile, et je ne peux m'empêcher de penser qu'entre la douce mélancolie et la folie, le pas est faible, à coté un tableau de Goya de 1794 « le préau des fous », et encore une fois entre ces deux œuvres, les siècles quand il touchent le cœur de l'homme sont bien mince.
Un tableau de Van Gogh « le portrait du docteur Paul Gachet », décrié et dont pourtant Van Gogh disait qu'il était son double de mélancolie, la ressemblance même physique est frappante sur cette toile, dont les plis de la joue sous la main dans la posture mélancolique, son rendu par des coups de pinceaux brossés dans le sens inverse du reste du visage ; et cette phrase de l'artiste « celui dont on attend du secours a lui-même besoin de secours »…
Un peu plus loin des portraits de crayon sur papier d'antonin Artaud représentant l'homme et sa douleur…
« La planète » de Victor Hugo, plume et lavis noir, fusain, rehaussé de gouache représentant Saturne, la planète de la mélancolie, ambivalente, à la couleur de la bille noire, mais aussi saturne la planète du génie de la création… ce tableau m'a ému sans doute une fois encore par la sphère représentée (pourquoi les sphères, cercles, ronds ne cessent de me perturber) mais plus encore de cette lumière jaillissant de la noirceur.
Les tableaux d'Odilon Redon qui au travers de ses toiles s'attachait à faire vivre humainement des êtres invraisemblables, dans un monde magique, peuplée d'étranges créatures, et dans lesquelles l'imaginaire du rêve semble plus important que la représentation réel dans son art… plus tard, il enthousiamera les surréalistes.
Ensuite des toiles d'Edward Munch, de Chirico, Sironi, impossible de toutes les décrire, mais mon regard est attiré par la « Mélancolie » de Otto Dix, ce tableau me subjugue, sa composition est singulièrement originale : assise sur un tabouret en forme de coquillage, une femme (sans doute assimilée à Vénus) avec une expression de mi sarcasme, mi frayeur, se tient devant un homme énigmatique dont on ne saurait dire sil elle veut le retenir ou le pousser vers cette fenêtre d'où l'on peut voir un incendie… une toile troublante devant la quelle je restai un long moment, , fascinée par l'étrangeté de cette peinture…
Le grand tableau de Zoran Music, « le fauteuil gris », une toile qui met mal à l'aise, une peinture terne autant par la texture que par la couleur grise, des dégoulinures voulues, et de coups de pinceaux violent qui forme le fond en contraste avec des touches moins affirmées sur ce personnage représentée prostré comme s'il était lui-même le fauteuil, l'objet plutôt que l'être.
Les trois photos de David Nebreda sont là, incontestablement pour déranger, visages brûlés, couvert de cendre ou de sang, regards absents semblant vouloir passer au travers du visiteur, corps tailladés, d' une hallucinante maigreur aux os saillants…délire de l'immortalité mélancolique…
L'exposition se termine sur le « Big man» de Ron Mueck, un homme nu, en résine, au réalisme édifiant, si ce n'était sa taille immense, on pourrait le croire vrai, palpable, la avec ce regard vide et fixé au sol, rien autour de lui, rien à quoi se raccrocher, la version contemporaine de la mélancolie : la fascination du vide…
Plus de quatre heures au milieu de ces œuvres, une exposition spéciale autour d'un thème qui m'est, par mon histoire personnelle, et par ma passion pour la peinture, forcément fort de signification et d'intérêt…je me suis oubliée quelques heures, échappée de moi-même, j'ai perdu le fil du temps…mélancolique…