Le chocolat d'hiver
Le Chocolat d'hiver
On a 7 ans et il fait froid par chez moi, quand décembre est là à 16 heures 30 à la sortie des classes; le ciel blanc neige a laissé place à la nuit précoce de l'hiver. On s'emmitouffle, bonnet enfoncé, écharpe de laine tricotée, si justement appelé "cache-nez" et dans laquelle on respire pour sentir sur le bout du nez glacé un peu de chaleur recherchée...les mains dans les mouffles comme de petites marionnettes et un pull à grosse maille, juste un peu trop grand, le sac d'écolier suspendu dans le dos... on sautille plus qu'on ne marche pour réchauffer les pieds engourdis dans des chaussures de vieux cuir craquelé, plutot un peu juste pour le coup, mais on grandit si vite, à quoi bon racheter... on les usera bien encore jusqu'au printemps, alors elles auront fait leur temps...On court dans la grande rue, envie de se retrouver tout au chaud dans la maison accueillante puis longeant un muret alors qu'on est presque arrivé, voilà qu'on ralentit , laissant trainer une petite main emmoufflée sur la neige fraichement tombée... alors on façonne une petite boule bien ronde, consciencieusement, les gants sont mouillés et la neige se fait collante sur le point jersey des petites mouffles jacquard...et tout à coup avec quel plaisir on l'envoie tout en l'air, juste pour la voir s'éclater, s'émanter sur un autre mur et se répendre en eau au sol laissant juste la petite trace blanche de l'impact...deux, trois fois on renouvelle l'opération, lançant la petite boule toujours plus haut, toujours de plus loin... on ne s'est même pas rendu compte que déjà la maison était là, et le bonhomme de neige, confectionné le jeudi, trône au beau mileu de la cour, avec sa carotte en guise de nez, ses deux petits morceaux de charbon qui lui font des yeux petillants, le vieux chapeau de grand père retrouvé au grenier pour l'abriter... ah il est fier, le bonhomme de ne pas avoir encore fondu... en passant près du grand sapin bleu juste avant l'escalier, on secoue une branche pour voir les petits flocons tomber... quand on arrive en haut, tout trempé, la porte s'ouvre et déjà on respire l'odeur du chocolat chaud et des tartines grillées... l'enfance.