j'aurais voulu

j'aurais voulu que la terre s'arrête pour descendre

J’aimais à sept ans les jupes amples que je faisais tournoyer ; je pivotais alors comme une toupie sur moi-même, et l’étoffe de couleur voltigeait et gonflait comme une toile de parachute. Imaginant que ce bout de tissus, serré à ma taille, aurait eu le pouvoir de m’envoler vers un ailleurs mystérieux, je tourbillonnais plus encore, les bras tendus, comme les pales d’un moulin brassant des poussières de rêves. Je tournais ainsi jusqu’au vertige, puis soudain, je m’arrêtais ; immobile alors, tout à l’entour se mettait à danser, m’encerclant d’un autre décor, d’un univers chaotique, aux formes chancelantes, aux couleurs brouillées, au réel vacillant de flots trompeurs… Toujours un peu déçue de constater que chaque élément finissait par reprendre sa place dans une déconcertante stabilité.

J’aimais à ce même âge, grimper en haut de la plus haute colline, m’étendre dans l’herbe fraîche, transversale à la pente, respirer profondément pour m’étourdir d’une bolée d’oxygène, et soudainement, me laisser dégringoler en roulis boulis , dévalant le versant du pâturage ;  les yeux grands ouverts, le visage tour à tour, épousant le sol terre, puis plongeant dans le ciel azuré, j’avais la sensation d’une ivresse vertigineuse où la matière se dissolvait, où les secondes de tourbillons perdus semblaient se diviser à l’infini avant de reprendre ou d’en perdre le souffle. Quand la chute finissait, je restais étendu sur le sol, plantant mes yeux dans l’immensité du ciel blanc solaire , savourant ces secondes d’irréel et d’ailleurs un peu flou, ces temps de fuite et de vertige, de suspension entre deux étendues…retoucheur de réel, retrancheur d’irréel…. Aujourd’hui, cette chanson de Birkin rôde dans mes pensée : «  j’aurais voulu que la terre s’arrête pour descendre »…



27/08/2006
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